COMMENTAIRE DU CAHIER DE DOLEANCES

 

Le cahier de doléances de Haute-Goulaine comprend d'abord toute une série de revendications "classiques" , que l'on retrouve dans la majorité des cahiers ruraux : des impôts moins inégalement répartis, suppression de la corvée des grands chemins et de la milice, une justice plus accessible, adoucissement de la dîme, abolition des droits de lods et ventes... L'allusion à la suppression des droits d'entrée sur les marchandises vendues à Nantes reflète le poids économique de la grande ville voisine. La revendication d'une réglementation claire sur les communs, ainsi que celle sur les vignes à complant (demandant la suppression des droits pesant sur les colons), s'expliquent facilement par la géographie de la paroisse. L'attachement aux privilèges de la province de Bretagne, affirmé en début de texte, ou la revendication d'un doublement du Tiers, n'ont pas non plus de quoi surprendre.

Plus original est 1a demande de suppression des fuies (c'est-à-dire des pigeonniers) seigneuriales, non pas tant par le contenu de la doléance que par le coup de chapeau adressé au marquis de Goulaine qui a déjà donné l'exemple (il est vrai que pour un seigneur aussi puissant, les revenus dérivant de ce droit peuvent paraître quelque peu dérisoires, ce qui n'est pas le cas pour des petits seigneurs plus âpres au gain).

La doléance la plus intéressante est sans doute celle qui concerne le transport des troupes de Nantes à Montaigu. Cette obligation peut immobiliser les paysans et leurs attelages pendant plusieurs jours (la route de Haute-Goulaine était à l'époque plus longue qu'aujourd'hui ; il fallait aller jusqu'au seul pont existant à l'époque, celui de Pirmil, ce qui représentait à peu près trois lieues, environ 12 kilomètres, à rajouter aux huit lieues de Nantes à Montaigu, plus bien sûr le chemin du retour).

Deux des derniers articles sont visiblement le reflet des revendications d'un petit groupe de personnes présentes dans l'assemblée : celui concernant l'irrévocabilité des notaires et procureurs fiscaux des seigneurs peut émaner de la demande du notaire Juguet (le sénéchal Luc Veillet, qui tient la plume, étant, lui, inamovible comme le précise le cahier) ; celui concernant l'enregistrement des baux doit venir du groupe, plus nombreux, des métayers et fermiers des domaines propres du marquis de Gou1aine.

On devine, à travers le désordre du plan de ce cahier, comment la discussion a pu sauter de principes généraux (peut-être inspirés des modèles) à des revendications plus précises, émanant de groupes très divers, traduisant en cela la complexité de la situation de la paroisse, encore dominée par son marquis, mais happée déjà par l'attraction nantaise. D'où une certaine timidité des revendications antiseigneuriales et l'influence des doléances de la bourgeoisie.