HAUTE-GOULAINE A LA VEILLE DE LA REVOLUTION

La paroisse rurale de Haute-Goulaine, forte de ses 350 feux (selon le procès-verbal de l'assemblée du 5 avril 1789) et de ses 1450 communiants (selon le Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, d'Ogée, 1780), soit une population de 1500 à 1700 habitants, est surtout célèbre par son château dont le seigneur, élevé au rang de marquis depuis 1622, exerce ses droits de haute seigneurie sur 17 paroisses. Même si les droits féodaux ne pèsent pas forcément très lourd sur un plan strictement financier, certaines obligations paraissent bien anachroniques et purement vexatoires en 1789, comme ce droit de quintaine pesant sur les nouveaux mariés (même si beaucoup en ont plus retenu le côté folklorique et festif que l'aspect contraignant), ou encore les deux paires de gants blancs que deux tenanciers du bourg doivent à leur seigneur à chaque messe de minuit.

D'autant plus anachronique que la bourgeoisie nantaise renforce sa mainmise sur les terres nobles de la région ; le domaine de Goulaine lui-même tombe en ce début de 1789 entre les mains du richissime armateur nantais (anobli) Peter Deurbroucq, qui suit ainsi l'exemple des Douault, Thébaud ou Chaillou, autres familles d'armateurs possesseurs de terres dans la paroisse. Si on ajoute à ce petit groupe de "notables" (il est vrai peu présents à Haute-Goulaine) celui des hommes de loi et celui des marchands, on réalise la force de la bourgeoisie dans la société locale, ce qui peut expliquer, entre autres, le ton assez bourgeois de plusieurs revendications du cahier de doléances.

Pourtant la population est essentiellement paysanne. La vigne n'occupe sans doute pas plus de 15 ou 20 % du territoire et le docteur Duboueix exagère quand il parle d'un terroir occupé aux 3/4 par des vignobles (dans sa Topographie statistique et médicale de Clisson et des paroisses environnantes, 1784). Le vin est d'ailleurs de médiocre qualité. Les céréales, complétées par le lin, occupent une surface plus importante. Une grande partie des prés sont inondés pendant l'hiver et le printemps, quand les marais débordent ; la présence des marais provoque des maladies comme les dysenteries, coliques, entérites, accentuant la pointe de mortalité de l'automne (toujours selon Duboueix). Ces terres inondables sont presque toujours des communs, sources d'innombrables chicanes entre les seigneurs (plus d'ailleurs les seigneurs bourgeois que le marquis), les bourgeois de Nantes (qui les afferment souvent, mais "débordent" parfois sur les communs voisins) et la communauté paroissiale.